On lui aura tout fait. En remerciement d’une carrière
exemplaire, certainement. Homme de l’ombre au parcours mouvementé mais nappé
d’une aura inégalée dans le monde du renseignement, le Général RONDOT aura achevé
sa période d’active à l’acmé de sa gloire. C’est la retraite qui tourne au
cauchemar. Honnête et discret, il se retrouve, pour une histoire de cornecul
politicienne balancée sur la place publique, tourné en dérision par les plus
hautes autorités de l’Etat, mis en cause par la justice, perquisitionné et
enfin placé en garde à vue.
Et le procès, comme témoin, c’est pour la semaine prochaine…
Comme assaisonnement il y a les fuites calculées et manipulées dans la presse. Fuites sur sa vie et sur son œuvre, fuites des PV d’audition, et maintenant la fuite de ses petits carnets.
Tout le monde rit de cet espion qui notait tout. Les cons. Je ne suis peut-être pas mieux placé, sur le papier, que ceux qui le tournent en dérision pour commenter ce fait, mais, je vais tout de même me permettre de l’écrire ; pour un agent, tout consigner par écrit est la norme. En effet, la première richesse d’un service se sont ses archives. La capacité à remonter le temps pour tenter de comprendre l’imbrication des choses et des gens à partir des contacts, liens et propos d’autrefois. La capacité à retrouver le plus infime détail qui, des décennies plus tard, peut être capital. C’est à partir de l’étude maniaque des archives de la seconde guerre mondiale que le réseau des « 5 magnifiques » a été – finalement- démasqué. Et si c’est vérifié à l’échelle d’un service cela l’est aussi pour un agent. Pouvoir retrouver où l’on était, avec qui et pour quoi des années plus tôt peut être décisif pour comprendre ou simplement salvateur pour se défendre. C’est d’ailleurs suite à la mise en cause de sa loyauté à cause d’une absence suspecte dans les années 70 que Rondot notait tout.
Et comme c’est un gars sérieux, responsable et bien élevé, il a tout conservé « au cas ou » et pour l’Histoire. Malheureusement, il ne pouvait imaginer qu’une tambouille politique amènerait des magistrats à perquisitionner –entre autre- la DGSE et les archives de Rondot.
Ces documents ont été versés au dossier et comme tout ce qui
y passe, nonobstant la confidentialité théoriquement exigée, s'étalent dans la
presse. Ainsi, non seulement l’instruction se fait sous nos yeux à travers un
prisme dont nous ignorons les propriétés, mais en plus des éléments n’ayant
rien à voir avec cette affaire fuitent également. Grâce à la publication
d’extraits de ces carnets, nous avons une vue intérieure de l’après 11
septembre et des codes propres au monde du renseignement et à la diplomatie
française. Assassinats, échanges d’information avec des pays « black
listés » (comme la Syrie dont Rondot a toujours été la pierre angulaire
des échanges) ou des petites cachotteries entre alliés (j’ai moi-même été
surpris de la hardiesse de nos positions vis-à-vis des USA en mars 2003 ou un
accord avec la Syrie pour exfiltrer des dirigeants du Baas était évoqué !).
Et notre bon général, serviteur dévoué et désintéressé, de passer ses premières années de retraite à voir son travail moqué, dispersé, et donc… partiellement détruit.
Bel hommage ! Surtout, en sus d’être déshonorante, cette légèreté avec la production de la DGSE est un handicap pour l’action de nos services. Outre ses archives, la qualité d’un service tient aussi à la confiance qu’on lui accorde. Aujourd’hui, les sources potentielles savent que ce qu’elles confient à un agent français peut se retrouver chez un juge puis dans la presse. Là encore on espérait mieux de la part de l’Etat… Mais la priorité est d’accrocher les coupables (si tenté qu’il y en est !) à un croc de boucher, pas de participer à l’efficience de nos services…
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